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jeudi 27 avril 2017

Guillo, tout sauf un long fleuve tranquille !


Selfie - Guillo - avril 2017

Guillaume Galiana, alias Guillo, c’est d’abord un timbre de voix particulier qui alterne entre force et douceur. C’est un style qui pourrait s’apparenter à celui de Vincent Delerm ou Bénabar. Et aussi, des notes aériennes et des paroles subtiles, comme marque de fabrique. Dans son dernier album « Soulage », le chanteur interroge le monde,  sa folie consumériste (« Made in Madness ») et nous montre qu’il est emprunt de nostalgie, tout en faisant preuve d’humour (« Le chien de la fille »). Ecoutez  les maux qu’il appose sur ses notes pop dans son livre-disque (Lamao Edition - sortie le 26.04.17) « Je ne suis pas un long fleuve tranquille », vous ne pourrez que vous laisser emporter.

Comment as-tu fait tes premiers pas dans la musique ?
J'ai bien tenté de pianoter et d'apprendre le solfège quand j'étais enfant, en banlieue parisienne, mais sans grand succès. Je me suis vraiment lancé dans la musique un peu plus tard, par les mots. Mon grand-père était poète et romancier à compte d'auteur, mon père professeur de français, mon frère écrivait un peu, lui aussi...Il y avait beaucoup de livres autour de nous, et l'amour très présent du verbe, de la littérature. J'ai commencé à écrire en vers à l'âge de 16 ans, des choses très simples inspirées de mon quotidien d'adolescent, en français puis en anglais, parce que je me destinais aussi au métier d'interprète. C'est à la FAC de Pau que j'ai rencontré un trio basse-batterie-guitare, à la recherche d'un chanteur. Je me suis rendu à une de leurs répétitions dans un local à côté de l'hippodrome, un jeudi soir. C'est parti comme ça, un peu par hasard... Avec eux, j'ai posé mes premiers couplets refrains sur des harmonies, des rythmes. Les mélodies semblaient arriver de nulle part. Comme si toutes les musiques dont je m'étais abreuvé depuis des années : soul, rap, rock, variété, chanson, prenaient corps dans quelque chose d'assez instinctif, que je ne n'avais pas soupçonné jusque-là. Mes textes étaient loin d'être parfaits, mais semblaient sonner et plaire aux autres membres du groupe. Je me suis senti dans mon élément tout de suite, à ma place derrière le micro. Quelques mois plus tard, j'achetais ma première guitare. 


Comment en es-tu venu à faire de la musique un métier ?
Des métiers, j'en ai essayé beaucoup. Livreur, barman, disc-jockey, manutentionnaire, ouvrier agricole, veilleur de nuit, puis commercial, après l'obtention d'un BTS. En parallèle, la musique était plus qu'un passe-temps, elle était très présente et je l'ai toujours prise au sérieux. Que ce soit des reprises dans les bars le week-end, ou bien mes propres chansons, peu importe la grandeur de la scène et l'auditoire, je n'ai jamais considéré cette activité de façon anodine. Je sentais qu'il fallait s'y investir totalement, corps et âme, ne pas tricher. Mais j'ai longtemps "imité" avant de trouver mon style, que ce soit dans le chant, dans l'écriture ou la façon de jouer de la guitare. Les trois premières années, j'ai partagé mon temps entre le spectacle, les disques, et le métier de vendeur dans un centre de remise en forme. C'est là que j'ai rencontré mon futur manager, Sébastien, qui tenait la boutique avec moi. Le jour, on accueillait les clients pour les renseigner sur les abonnements à l'année, les cours collectifs, la piscine et le sauna. Le soir, je restais après la fermeture pour travailler et enregistrer mes chansons dans la grande salle. Notre patron était au courant et m'encourageait. C'est lui qui m'a permis de franchir le pas pour devenir musicien professionnel. Le jour où je lui ai annoncé mon désir de me lancer dans la musique et soumis ma démission, il l'a refusé. A la place, il m'a licencié pour faute légère : j'ai pu bénéficier des allocations chômage pendant un an, le temps de réunir le nombre de cachets suffisants pour devenir intermittent du spectacle. 



Après la sortie de ton 1er album Super 8 comment as-tu réussi à faire près de 200 concerts sans tourneur ?
C'est là que le métier de vendeur m'a un peu aidé, probablement. Avant Super 8, j'avais déjà produit plusieurs albums, en bénéficiant d'une ou deux subventions, sur mes deniers personnels et l'argent mis de côté lors des premiers concerts. Devant la difficulté à trouver une maison de disques ou un tourneur prêts à investir sur moi, il a fallu s'organiser. Démarcher, trouver des lieux, jouer le plus souvent possible et au départ, c'est vrai, parfois dans des conditions improbables. Sébastien, mon manager de l'époque, a fait ses armes lui aussi en apprenant petit à petit le métier, en se rendant à des rencontres professionnelles ou en potassant les fiches de l'IRMA, de l'officiel de la musique, en échangeant avec d'autres acteurs de l'industrie du spectacle. Il y a tellement de métiers qui gravitent autour d'un artiste, c'est dingue. Et on en apprend tous les jours...Mais prendre son téléphone, envoyer des mails, postuler à des tremplins, c'est à la portée de tout le monde. Il suffit juste de s'en donner les moyens. Une structure est née pour soutenir mon projet d'artiste : La Bonne compagnie. Pendant que Sébastien s'occupait des démarches à ma place, je me sentais libéré d'un poids énorme et j'avais plus de temps pour penser à ma musique. Le travail que j'avais effectué les premières années, plus le sien, ont fait que mon nom a commencé à circuler un peu plus. Trois ou quatre ans  avant, j'avais participé aux rencontres d'Astaffort. A l'issue de ce stage d'écriture, l'équipe de Voix du sud, l'association créée par Francis Cabrel, m'avait permis de travailler mon répertoire et de faire de belles premières parties. C'est aussi à cette époque que j'ai commencé à proposer des concerts chez l'habitant. On a ensuite sorti Super 8 en 2011, puis une autre édition en 2013 : cette fois le disque était distribué, un attaché web et une attachée de presse travaillait avec nous. Tout cela nous a permis de présenter l'album un peu partout en France, en Suisse et au Québec, pendant près de cinq ans sur la route, en groupe ou en guitare voix. 

De qui t'es-tu entouré pour créer l'album Soulage ?
Comme pour l'album Super 8, David Mignoneau (Fergessen) était aux manettes. Je suis arrivé dans les Vosges avec une trentaine de chansons, nous en avons gardé dix. Au départ je voulais quelque chose de très minimaliste, sans basse. Mais on se laisse vite prendre au jeu des arrangements. Après trois sessions de dix jours, étalées sur un an, l'album était là. De nombreux musiciens étaient passer déposer quelque chose : la guitare de Jérémie Bossone ici, les percussions de Cyrille Lecoq là, les voix d'une vingtaine de chanteurs sur un des titres. Entre temps, j'avais également sollicité Benoît Crabos (Le trottoir d'en face) pour plancher sur des arrangements additionnels. Cela nous a fait repousser de plusieurs mois la sortie du disque, parce que la carte blanche donnée à Benoît fut une surprise. Il apportait une énergie supplémentaire, et des sons qu'on n’aurait pas imaginé comme le banjo, les cuivres...On a donc pris le temps d'accueillir ces nouvelles idées pour les mêler à ce qu'on avait déjà. Ce qui donne à Soulage cet aspect hybride assez particulier, un côté "soft-rock" qui me plait beaucoup et me ressemble, je crois, entre force et douceur.

L'argent collecté via Kiss Kiss Bank Bank t'a permis de faire quoi ?
Nous avons pu financer une grande partie de la promotion ainsi qu'un clip. Mais au delà de l'aspect financier, le crowdfunding permet aussi de tisser des liens étroits avec certaines personnes. Pouvoir communiquer avant la sortie d'un album, recueillir le soutien et les encouragements, est quelque chose de très précieux quand on est un artiste auto-produit. 

Comment t'es venue l'inspiration ?
L'inspiration est un muscle qu'on entraine, au fil du temps. Tout le monde peut créer, inventer, que ce soit en musique, en cuisine ou dans le bâtiment. Les artistes ont cette capacité à capter des détails autour d'eux, dans l'air, dans leur comportement ou celui des autres, dans une phrase, un film, un livre, ce qui deviendra peut-être une histoire sous forme de chanson. Il faut juste observer, rester en alerte, noter sur un carnet ou sur son téléphone ces bribes d'idées qui peuvent être un peu partout. Dans mon livre-disque "Je ne suis pas un long fleuve tranquille", je raconte, pour chaque titre de l'album Soulage, ce qui a pu déclencher cette inspiration : en le lisant, vous vous rendrez compte, j'espère, que tout ça peut venir de très loin, mais qu'il faut toujours un déclencheur pour coucher les mots et les mettre en musique.

Que raconte cet album ?
Il évoque mon départ de Paris pour le sud-ouest de la France, quand j'avais 18 ans, et ce que j'ai trouvé en arrivant là-bas : l'océan, la nature, la musique, l'amour et de façon plus générale, mon entrée dans l'âge adulte. Soulage est aussi un clin d'œil au peintre et graveur Pierre Soulages, qui n'a toujours peint qu'avec du noir et utilisé les reliefs pour faire émerger une lumière, en dépit de sa couleur sombre.  



Que raconte la chanson Mahatma ?
Qu'il faut être "le changement que l'on souhaite voir dans le monde" comme le disait Gandhi. Que chacun doit faire sa part, comme les colibris de Pierre Rabhi, pour que le monde ne sombre pas dans la noirceur, et que l'équilibre écologique, sociologique, soit maintenu sur terre. Je ne crois pas à une planète complètement débarrassée de violence, je ne suis pas utopiste à ce point. Je sais que le bien et le mal ne vont pas l'un sans l'autre. La statue de bronze du Mahatma, dans la ville de Québec, était le prétexte idéal pour évoquer ces valeurs là, de façon rassurante et sereine, à travers une figure historique emblématique.


En quoi consiste les ateliers de création que tu animes pour Voix du Sud ? Est-ce en lien avec la chanson "Automne et Printemps" que tu as composée lors d'un atelier avec des collégiens ?
Voici un passage de mon livre qui raconte, à la troisième personne du singulier (car c'est la vie qui s'exprime à ma place dans ce livre) les différentes expériences qui jalonnent mon petit parcours. Il est ici question, justement, des ateliers d'écriture proposés par Voix du sud : « Il se rend régulièrement dans les écoles primaires ou les collèges, pour y animer des ateliers d’écriture et tenter de bousculer, à sa façon, les lignes du quotidien. Cette expérience a démarré en marge de son projet artistique, mais les deux activités sont intimement liées. 
Ils sont quelques artistes à mener ces projets dans l’académie de Bordeaux. Ils interviennent aussi en milieu psychiatrique, dans des centres de jour, des maisons de retraite. »
Olivier Daguerre, œil noir et voix rocailleuse, fait partie de ce dispositif depuis le début et résume l’exercice en ces termes : « Nous faisons un acte citoyen. » 
Dans ce genre d’interventions ponctuelles, ils ont le beau rôle : ni prof, ni copain, un peu les deux. Aucun rapport de force, pas de hiérarchie. Ils restent le plus souvent une semaine, en immersion dans une classe ou un petit groupe. 
Ils arrivent avec leur guitare, utilisent un tableau pour y inscrire les idées de chacun. Leur mission est de stimuler les émotions. Pour cela, il leur faut poser des questions sur le thème, l’histoire, la psychologie des personnages. Qui parle ? A qui ? De quoi ? Ils discutent beaucoup, tout le monde doit pouvoir s’exprimer et défendre ses arguments. 
Ce sont des moments intenses pendant le processus de création, puis sur scène quand vient la soirée de restitution. Interpréter en public les œuvres créées au cours de la semaine, devant la famille, les copains, est loin d’être évident pour des artistes novices. Il leur faut affronter le trac, les lumières, le micro. Bien souvent ils ressortent grandis de ce voyage, plus forts et plus confiants. 
Automne et Printemps est né d’un de ces ateliers d’écriture. Le morceau prit ensuite sa place dans Soulage, avec le consentement des auteurs. Quatre élèves de troisième du collège Gaston Fébus, à Orthez, avaient relevé ce titre en partant de coupures de journaux. À quatorze ans, ils avaient choisi d’évoquer cette manière dont on peut s’échapper d’une enveloppe trop âgée, trop usée pour continuer. Ils associèrent simplement la fragilité d’un être à une feuille sur le point de tomber, entre saisons et éléments. 




Pourquoi as-tu créé le label indé Cinq Secondes ?
Parce que les chemins se séparent et qu'après dix ans de "vie commune" mon manager et moi avons cessé de travailler ensemble. Il fallait donc repartir avec une nouvelle structure, afin d'organiser et financer un autre album, une autre tournée. J'ai rencontré ma compagne, Audrey, par le biais des rencontres d'Astaffort. Elle travaillait dans l'événementiel aux côtés d'Aurélie Cabrel, leur agence s'appelait le "Nougat Rose". Aujourd'hui de l'eau a coulé sous les ponts, mais Audrey et moi avons fait notre vie ensemble, et donné naissance à une petite fille.  Nous n'habitons pas sous le même toit et sommes "non-cohabitants" dans le même département, mais nous avons créé Cinq Secondes qui est un peu notre maison commune. Cette petite structure associative défend mon projet, recherche des financements et organise des évènements tels que des concerts à domicile ou des ateliers d'écriture. Audrey participe également aux choix artistiques, me conseille sur mon image, mes fringues. C'est elle qui entend les chansons avant tout le monde, planche avec moi sur les scénarios des clips, répond aux sollicitations des programmateurs, prépare les contrats ou envoie les commandes d'albums qui arrivent sur la page boutique du site. Bref, je ne suis pas seul, et ça compte énormément...


Tu es plus un Instagram, Twitter, Facebook ou Snapchat "addict" ?
Facebook, sans hésiter. J'aime pourtant les formules courtes et j'ai un compte Twitter, mais je préfère partager des vidéos, des articles, des humeurs sans la contrainte du nombre de mots.


Quelle chanson tourne en boucle chez toi en ce moment ? 
J'écoute de la musique essentiellement en voiture, et c'est très, très éclectique. Dernièrement j'ai ressorti ma collection de rock/métal, période 1990-2000 : Guns N' Roses, SIlverchair, Metallica, Sugar Ray, Suicidal Tendencies, Deftones...ça me plait toujours autant, mais c'est par périodes, tout comme le rap. Le must, depuis sa sortie, reste pour moi le dernier album en date de Charlie Winston "Curio city" pour les textes, les mélodies, la voix, les arrangements, l'émotion qui se dégage de tout ça : c'est une grande réussite à tous points de vue, un album dont je ne me lasse pas... Dans mes disques de chevet, il y a aussi Batlik, Oxmo Puccino, Daran, Martin Léon, Alexi Murdoch et avec les enfants, le grand trip, c'est l'intégrale de Stupeflip. 

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