Auteure, interprète et compositrice… La jeune artiste Donamaria multiplie les talents et elle le prouve avec son dernier EP « Amnesya ». Il nous emmène dans un voyage qui passe de l’acceptation, à l’apaisement et se termine par la libération. La chanteuse nous fait découvrir avec brio la douceur de son univers mélancolique où les métaphores et Baudelaire se côtoient pour aboutit à un lâcher prise salvateur en temps de crise.
Comment as-tu fait tes premiers pas dans la musique ? Mes premiers pas dans la musique se sont faits très tôt, c'était vraiment quotidien, la musique et beaucoup le cinéma aussi. A la maison, je regardais en boucle les films d'Hitchcock, les films musicaux avec Barbra Streisand, Audrey Hepburn, le combo Jacques Demy & Michel Legrand... Avec ma fratrie, on faisait régulièrement des spectacles à la maison, chant, danse, théâtre, enregistrements de chansons, tournages de clip... c'était toujours beaucoup de créativité chez nous ! Ma grand-mère était une artiste qui n'a pas pu exceller car son père ne l'a pas laissée faire, c'était une autre époque. Elle jouait du piano divinement bien, je revois ses mains et toutes ses bagues jouer et fredonner des morceaux de jazz, j'adorais la regarder. De là où elle est, elle doit être très heureuse de me voir m'assumer dans cette voie.
Que raconte ton EP "Amnesya" ? Avec qui as-tu collaboré sur cet EP ?
Amnesya est une introspection. C'est la proposition d'un voyage qui tend à l'acceptation, l'apaisement et la libération de ses propres chaînes. Sur cet EP, j'ai collaboré avec mon binôme Robin Morgenthaler, mon compositeur qui est aussi très présent dans la direction artistique de tout ce qui est lié à mon projet, tout comme Camille Plunian et Charlotte Forsans, deux graphistes qui gèrent toute la direction artistique visuelle. A nous quatre, on se complète beaucoup et c’est dans ce petit collectif que l’on surnomme « L’Aquarium » que sont prises beaucoup de décisions importantes.
Ce titre est très sombre. Je parle de dépression, de maladie, d'agression, de noirceur, de colère... finalement de toutes ces choses de la vie qui à mon sens viennent se nourrir de l'âme, viennent empoisonner à petit feu, s'emparent du corps. Je parle aussi du passager noir qui nous accompagne tous et tente systématiquement de nous rabaisser, de nous dénigrer, de nous dévaloriser, quand il prend le dessus, il nous boycotte et le reste devient contre-productif. J'avais envie de faire un titre évoquant toutes ces choses qui font qu'un moment donné dans la vie, le vase déborde. Et c'est quand on atteint ce climax qu'on rééquilibre et qu'on est en mesure d'accepter cette partie-là de soi-même, notamment en relativisant.
On y entend des passages d’un texte de Baudelaire, « L’héautontimorouménos », signifiant « Bourreau de soi-même ». Baudelaire est-il une source d'inspiration ?
Baudelaire fait partie de ces humains inspirants, quand je le lis, je me sens comprise. Sur cet EP, les sujets que j'évoque sont des sujets qui connectent à plusieurs poèmes des « Fleurs du Mal », j'ai donc eu envie de me faire le featuring de l'impossible.
La chanson "Crateagus" fait référence à ton grand-père. Peut-on dire que c'était un grand aventurier ? Parle-nous de sa traversée de l'Atlantique notamment.
Oui mon grand-père était pour moi un pilier et j'ai toujours été fascinée par toutes les aventures qu'il a vécues, j'adorais ces échanges avec lui, c'était quelque chose de très précieux pour moi. Il était médecin et quand il a pris sa retraite il a décidé de traverser l'Atlantique en voilier, son bateau s'appelait Crataegus. Pour la petite explication, c'est une sorte d'arbuste de l'hémisphère nord qu'on appelle le plus souvent aubépine et qui a pour but en médecine de soulager les palpitations du cœur, d'apaiser et calmer l'anxiété, l'insomnie, c'est ce dont je parle dans ce titre. Concernant sa traversée de l'Atlantique, ce qui m'avait marquée c'est l'histoire détaillée d'une nuit de tempête où son bateau s'est retourné un long moment et où il s'est clairement demandé ce qu'il faisait là tout en acceptant ce qu'il se passait, et puis une vague l'a finalement ramené à la surface, j'ai beaucoup de chance d'avoir autant parlé avec mon grand-père.
Sur ta chaîne YouTube tu fais entre autres des reprises comme "Heroes" de David Bowie, à moitié en anglais et à moitié en français. Comment choisis-tu ces chansons ? Pourquoi ce mix anglais/français ? Pour faire un cover, j'ai besoin d'accrocher avec le texte et avec la mélodie, j'ai vraiment besoin des deux pour avoir envie de proposer une version personnelle avec ma propre empreinte. Dans le titre Heroes, David Bowie parle d'alcoolisme, et pourtant elle est vue comme une chanson libératrice au final. J'aime beaucoup ce flirt entre une réalité très sombre et une parure plus poétique, le parallélisme entre le héros d'un jour, qui se relève de quelque chose de difficile à affronter, et l'humain qui veut juste se sentir invincible grâce à l'euphorie qu'il peut ressentir par des moments intenses dans la vie ou notamment sous l'emprise d'une substance.
Ton confinement a t'il été "créatif" ou "dépressif" ? Mes confinements ont été créatifs avec des hauts et des bas mais ils ont été très bénéfiques, c'est au final très bon pour l'épanouissement personnel et l'équilibre de son moi intérieur je crois. Le plus difficile c'est de se dire que depuis presque 1 an, je n'ai plus la possibilité de vivre ce qui anime mon quotidien, c'est à dire être proche des gens que j'aime, les terrasses, les concerts, les festivals, les pièces de théâtre et les comédies musicales, manger au restaurant... Ça manque. J'ai vraiment hâte qu'on reprenne ces libertés et qu'on les savoure !
En cette période d'incertitude, est-il facile en tant qu'artiste de faire des projets ? Quels sont tes projets ?
Oui, ce n’est pas simple ! Mais c'est le cas pour tout le monde non ? J'essaie de rester positive, de trouver des solutions et d'être patiente... Après la sortie de mon EP, il était prévu que je donne des concerts, je voulais également faire des nouvelles scènes dans des festivals, mais la situation a clairement compliqué les choses c'est sûr et puis quand on n’est pas très friand des réseaux sociaux, devoir se cantonner uniquement à ça, c'est dur ! Je profite de tout ce temps pour mettre en place toute la suite, notamment le tournage de mon prochain clip et des live sessions que j'ai hâte de sortir !
Avec qui rêverais-tu de collaborer ?
Travailler avec Woodkid serait absolument incroyable ! Son univers est puissant, poétique et d'une grande profondeur, sa direction artistique est pointilleuse et recherchée, c'est vraiment tout ce que j'aime. Il m'accompagne depuis son premier album et à vrai dire j'ai toujours pensé qu'une collaboration avec lui serait nourrissante, que nos univers se connecteraient bien, cette idée m'intrigue et j'espère un jour avoir l'occasion de le vérifier. Cela dit, j'aimerais beaucoup faire un feat avec un rappeur sur mon prochain EP.
La vérité c'est que je ne suis pas ultra friande des réseaux sociaux ! haha. Je sais que de nos jours on ne peut pas faire sans mais disons que je trouve que c'est un peu la porte ouverte à toutes les fenêtres. C'est comme si aujourd'hui, il fallait d'abord percer sur les réseaux sociaux, j'ai vraiment l'impression qu'il y a une course aux abonnés et que le nombre d'adhésion a du poids dans la balance dans une carrière. De mon point de vue, le nombre d'abonnés est en cohérence totale avec la visibilité dans les médias, les tournées, etc, et non l'inverse. Combien de fois ai-je entendu "fais en sorte d'avoir plus d'abonnés, en dessous de 10 000 abonnés tu n'as pas assez de poids", ça me parait un peu absurde.
Instagram est le réseau que j'utilise le plus au quotidien, mais vous pouvez aussi me trouver sur Facebook et YouTube !
Quelle chanson écoutes-tu en boucle en ce moment ?
En ce moment je fais une petite fixation sur "La vie" d’Ichon, mais j'écoute encore beaucoup "Je t'aime encore" de Yelle, l'EP de Prudence, l'album de Leon Bridges et l'album de Bonnie Banane. Mais je ne vous cache pas que le dernier EP d'Yseult n'est jamais bien loin, tout comme l'album de Woodkid ça va de soi !
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