Après 20 ans de carrière, le duo YULES continue sa
route en toute indépendance sur la scène musicale française. Et le 12 avril
2019, les deux frères dévoileront leur dernier album « A Thousand
Voices », concocté pendant 1 an et demi. Cet opus a été l’occasion de
refaire un saut dans le passé en ressortant une vieille guitare électrique, laissée
de côté pendant des années et un vieux Juno 106. Au programme : une
écriture pop comme on les aime et une énergie rock dont on ne peut que
raffoler. A écouter de toute urgence.
YULES |
Comment avez-vous fait vos premiers pas dans la
musique ?
Avec
Bertrand, nous avons à peu près commencé la guitare en même temps, j’avais 14
ans et il en avait 18. Je relie vraiment l’apprentissage de la musique à une
forme de quête de sens, je cherchais à m’extraire de l’ennui dans lequel
j’évoluais, dans cette petite ville de province dans laquelle je vivais. J’ai pensé
que la musique serait la clé, j’ai eu de la chance d’avoir un cousin musicien
amateur qui m’a initié et encouragé, mon père m’a montré quelques accords de
guitare et c’était parti !
D'où vient le nom YULES ?
Cela vient
du prénom d’un des enfants de Bertrand qui est né au moment où nous avons créé
Yules. Son prénom trottait dans nos têtes, nous l’avons légèrement déformé pour
lui donner une forme ni anglo-saxonne, ni française… nous voulions deux
syllabes et puis ça se dit : « Youless ». Probablement un reste des
cours de latin…
YULES |
Lorsqu'on écoute votre musique on pourrait
penser que vous êtes un groupe anglo-saxon. Comment votre style musical s'est
construit ?
Justement
il s’est construit en écoutant principalement des groupes anglo-saxons. Nous
sortions d’une expérience de groupe de 6 ans et nous chantions exclusivement en
français. Alors, tout naturellement, nous avons d’abord essayé d’écrire les
premières chansons de Yules en français, c’est Bertrand qui s’y collait mais
sincèrement, le son et l’intention n’étaient pas du tout au rendez-vous. Ça
changeait trop l’esthétique musicale, et puis ma voix est très différente lorsque
je chante en français.
Rapidement,
je me suis mis à écrire en anglais les premiers textes et notre son commençait
à se profiler. On nous a beaucoup posé la question du pourquoi nous chantions
en anglais mais c’est simplement une histoire d’esthétique. Nous
aimons beaucoup la langue française mais n’avons pas du tout réussi à la
faire sonner avec notre musique.
Pour ce
qui est du style musical, les débuts étaient plutôt planant, trip-hop
atmosphérique mais toujours avec un côté pop qui ne nous a jamais lâché. Nous
sommes des enfants des années 80 et avons reçu la pop music en pleine face. Par
la suite, notre son est devenu plus acoustique et le nouvel album est une
synthèse avec un retour à l’électrique mais sans oublier les chansons.
En 2014, vous avez sorti l'album "I'm your
man...Naked" en hommage à Leonard Cohen. L'artiste était un mentor pour
vous ?
Oui
sincèrement, d’ailleurs en parlant de chansons, Leonard Cohen est un maître, il
a élevé le « songwriting » au plus haut point. Son oeuvre nous touche
énormément. Il a d’ailleurs été aussi un guide par son témoignage de vie, pas
seulement à travers sa musique mais aussi dans sa vie d’homme, cherchant un
équilibre entre le terrestre et le spirituel. Le voir sur scène a été une
consécration, lui rendre hommage sur scène en recréant un de ces albums est un
immense bonheur. Nous enfilons ses chansons comme on enfile une veste de
costume le temps d’une soirée… Cela m’a remis dans l’écriture aussi, moins
complexé bizarrement…
Que raconte votre dernier album "A Thousand
Voices" ? De qui vous êtes-vous entourés pour le faire ?
C’est un
album de réconciliation avec le passé qui me semble être le meilleur moyen
d’épanouissement personnel.
C’est
aussi un disque de réappropriation de soi, de sa vie, de notre son. J’ai
ressorti ma guitare électrique que je n’avais plus touchée depuis des années,
ainsi que mon vieux Juno 106 que j’ai depuis mes 13 ans, et ce fût le point de
départ sonique. La première chanson réécrite fût « A Thousand
Voices », elle a donné une direction forte au disque ainsi que son nom à
l’album. Elle était une bonne synthèse, on y retrouve l’écriture pop, les
ambiances planantes et l’énergie rock contenue.
Je suis
très fier de ce disque qui découle d’un long processus de retour au plaisir de
jouer de la musique, de manière simple, comme au début, sans enjeu, sans maison
de disque, juste un besoin qui nous dépasse un peu.
On a
d’abord joué les chansons sur scène en trio avant de les enregistrer, je ne
voulais pas aller en studio sans m’être assuré que les chansons puissent
toucher le public.
Nous avons
enregistré au Wild Horse Studio à Besançon et l’entourage est réduit à un
batteur (Antoine Passard sur le disque/ Bertrand Perrin sur scène) et il y a
aussi un featuring de la chanteuse Lonny Montem et le label Marjan Records.
Pourquoi avoir décidé de faire un disque en 2
volets (hiver/été) ?
Disons
qu’au tout début, on s’est demandé si on allait pas sortir un premier EP qui
était les 5 titres de la « Winter Side »… Puis j’ai écrit de
nouvelles chansons, peaufiné certains titres jamais sortis et une nouvelle face
s’est imposée à nous. Alors on s’est dit qu’il fallait l’enregistrer en été
pour voir si l’on pouvait sentir une influence des saisons dans
l’enregistrement. On a finalement pas vraiment surfé sur cette idée mais j’aime
bien l’idée d’en parler pour que les gens se demandent à l’écoute de l’album « quand
a été enregistré telle ou telle chanson ? ».
J’ai aussi
par la suite beaucoup réécouté la re-création des Quatre Saisons de Vivaldi par
Max Richter, que je trouve splendide.
Quels vos projets ?
Tourner,
tourner, tourner… Nous sommes avant toute chose un groupe de scène, c’est là
que nous avons appris notre métier; et ce bien avant de faire des albums. Le
« power trio » que nous formons avec Bertrand Perrin à la batterie
est ultra jouissif. C’est un batteur que nous avions croisé avec Diving With
Andy puis chemin faisant, il nous avait accompagné sur la tournée de Strike a
Balance en 2011-2012. On le retrouve en très grande forme et les tous premiers
concerts furent prometteurs… Nous venons de jouer « I’m your
Man…Naked » en version symphonique et avons également l’intention de le
rejouer prochainement tant l’expérience fût énorme.
Et puis
nous avons enregistré une reprise de Kate Bush qui sortira prochainement sur le
volume 2 de « I Wanna Be Kate » une compilation de reprises de Kate
Bush par des groupes de la scène de Chicago, c’est produit par Thomas Dunning
et nous sommes le seul groupe français à figurer sur cette compilation qui
sortira en Amérique du Nord.
Selfie - YULES |
Ca fera bientôt 20 ans que vous avez sorti votre
1er EP auto produit (2003). Quel est votre regard sur votre carrière ?
Que c’est
un métier difficile, comme tous les métiers d’ailleurs et que je rêve de
sensibiliser les gens à notre réalité. Bien souvent, on pense que les choses
vont vite, que les albums sortent facilement, sans douleur mais c’est une image
d’Epinal. Il n’y a pas d’acquis, lorsqu’on est indépendant, tout est à
construire en permanence, on se fait oublier très vite si l’on n’est pas
toujours en train de publier sur les réseaux sociaux.
J’essaie
de m’extraire de tout cela au maximum pour me concentrer sur l’essentiel qui
est la musique mais malheureusement, je ne peux pas totalement faire
l’autruche. C’est un secteur qui est en perpétuel changement, il faut donc
s’adapter, sinon il faut aller « jouer de la guitare tout seul sous les
tilleuls ».
Selfies - YULES et Bertrand Perrin qui accompagne le groupe sur scène |
Vous êtes plus addict à Facebook, Twitter,
Instagram ou Snapchat ?
Plutôt
Instagram mais je suis beaucoup sur Facebook aussi pour l’aspect professionnel.
Twitter, je n’ai jamais pu m’y faire, je n’ai pas l’esprit de synthèse ;-) Et
Snapchat, si je n’avais pas 20 ans de carrière, ça m’intéresserait peut-être.
Vous écoutez quoi en ce moment ?
J’ai
souvent un train de retard avec les nouveautés, j’aime bien découvrir les
albums lorsqu’ils viennent naturellement à moi alors en ce moment de manière
totalement aléatoire, j’écoute « Sincerely, Future Pollution » de
Timber Timbre, « First Mind » de Nick Mulvey, « Lier » de
Barbarossa, « Cusp » de Alela Diane, « Singles » de Future
Islands, « You Want it Darker » de Leonard Cohen, « High
Violet » de The National, « Beyond the Missouri Sky » de Pat
Metheny & Charlie Haden, « Vanishing Act » de Early Winterr,
« 22, a Million » de Bon Iver…