A 30 ans, Amélie Festa et Mathieu Maestracci, le duo qui compose le
groupe français Facades, peut se
targuer d’avoir d’ores et déjà à son palmarès le prix du meilleur clip
international, remis en 2012, à Hollywood. Malgré
cette distinction, qui aurait pu leur faire ralentir leur rythme, le groupe
confectionne depuis plus de 3 ans Those
who crossed territories, un album aux sonorités anglo-saxonnes très
apaisantes. Retour sur le pacours de ce duo qui construit sa carrière pierre
par pierre.
Comment avez-vous fait vos premiers pas dans la
musique ?
Amélie : Mes
parents ne sont pas musiciens mais ils ont toujours écouté beaucoup de musique
anglosaxonne comme Mickaël Jackson, Les Beatles, Otis Redding. A l’âge de 6
ans, ils m’ont inscrite au Conservatoire pour faire du solfège et du piano.
Arrivée au collège, j’ai arrêté le Conservatoire et je me suis mise à jouer de
la guitare. Et, au lycée, une bande d’amis avait un groupe de rock mais il leur
manquait un chanteur. Ils m’ont persuadé de tenter ma chance à leurs côtés.
J’ai donc commencé à apprendre à chanter de façon autodidacte et plus tard,
j’ai pris quelques cours de chant.
Quand j’ai
dû choisir ma voie, j’ai opté pour une école d’ingénieur du son. Selon moi, ça
complétait bien ma formation technique de musicienne. Et c’est dans cette école
que j’ai rencontré Mathieu.
Mathieu : Comme
Amélie, mes parents écoutaient beaucoup de musiques anglo-saxonnes comme Queen.
Ils ont toujours détesté les Beatles alors que moi j’adore. J’ai un parcours
similaire à celui d’Amélie puisque mes parents m’ont aussi inscrit au
Conservatoire vers l’âge de 6 ans en guise d’éveil musical. J’ai voulu faire du
saxophone mais je n’avais pas l’âge requis. J’ai donc commencé à faire du piano
jusqu’à la fin de mon cursus au Conservatoire, à 15 ans. A cette période, je me
suis mis à jouer de la guitare. Et j’ai eu envie de faire autre chose que ce
que l’on apprend au Conservatoire, j’en avais marre de Chopin et de Mozart… A
14 ans, j’ai monté mon premier groupe de rock/métal,
The Spherical Minds dans lequel je suis resté 10 ans. On a fait 3
albums et tourné en Europe avec un label belge.
Je suis
entré à l’école d’ingénieur du son à Paris (ESRA) la même année qu’Amélie.
C’est là que nous nous sommes rencontrés, on avait à peu près les
mêmes goûts musicaux. J’avais écrit des chansons pour Spherical Minds
mais je voulais y apposer une voix féminine. C’est comme ça qu’on a commencé à
travailler ensemble. Au début, on faisait pas mal de reprises, REM,
Radiohead, Madonna, les Beatles, Floyd, tous les grands classiques pop rock des
années 1990. Puis on a commencé à intégrer nos chansons.
Comment avez-vous rencontré le réalisateur
Stéphane Meunier (ndlr : Les Yeux dans les Bleus en 1998) ?
Amélie :
J’ai rencontré Stéphane Meunier en passant un casting pour la série
Foudre. Je lui ai dit que j’étais musicienne et il n’avait pas trouvé de
compositeur pour la série. Je lui ai donné un CD de 5 titres avec les premières
chansons de Facades et peu de temps après il me rappelait pour me
dire qu’il adorait les chansons. Au final, la série a été reconduite pendant 5
saisons et c’est aussi cette opportunité qui nous a donné envie de persévérer
dans ce domaine. Cela a été un fil conducteur pour la suite de notre carrière.
Est-ce que l’on travaille de la même manière en
créant pour son propre album que pour une série ?
Mathieu : Cette
série a été ma première expérience de composition à l’image. Au début de notre collaboration,
Stéphane Meunier nous demandait de composer ce qu’on aimait sans se
coller aux images de la série. Dans les compositions, il voulait avant tout
écouter la voix d’Amélie qu’il adore. Par la suite, j’ai fait davantage de
compositions en fonction d’images que je voyais. Mais Amélie n’a jamais eu à
chanter devant un écran pour se synchroniser avec des images de la série.
Dans la
série, il y a d’ailleurs beaucoup de chansons de Facades que l’on
entend presque en entier, jusqu’à 2/3 minutes, ce qui est rare à la télévision.
Et c’est ce qui nous a permis de nous faire connaître, nous avons constitué
l’identité musicale de Foudre. Quand les gens entendaient des chansons, ils les
identifiaient bien à Facades. Et grâce à la série, à l’époque, quand Myspace
était encore le régulateur de la popularité d’un artiste, nous pouvions
atteindre jusqu’à 7 000/8 000 écoutes pas jour, on a même été à plusieurs
reprises dans le « top artistes » Myspace.
Comment avez-vous trouvé le nom du
groupe Facades ?
Mathieu :
C’est toujours l’enfer de trouver un nom de groupe… L’idée m’est venue grâce à
un compositeur américain que j’adore Philip Glass. Il a réalisé
beaucoup de musiques de films comme The hours, Le rêve de Cassandre, The truman
show. Et dans un de ses albums il y a un morceau qui s’appelle Facades.
J’aime bien ce mot et ce qu’il me rappelle, c’est donc une petite référence à
ce morceau et un hommage au compositeur. Ce mot est assez symbolique, chacun
l’interprète à sa manière. Ca me fait penser à un mur qui soit sépare les gens,
soit les relie et j’aime bien cette idée là.
Quel est votre style de musique ?
Amélie : Notre
style est difficile à décrire, il est issu de nombreuses influences : des
compositeurs contemporains, des grands classiques de la pop, de notre formation
classique, les groupes électro que nous écoutons… On a intégré tout ça dans cet
album, il peut donc y avoir des morceaux simples, guitare/voix plutôt folk, des
synthés, des instruments classiques, etc.
Mathieu : On
ne change pas de style avec le temps mais on mélange plus les
genres, on cloisonne moins chaque morceau. Au sein d’un même morceau, il peut y
avoir plusieurs influences.
Que raconte l’album Those who crossed
territories sorti en novembre 2014 ?
Amélie : Il
y a des morceaux très personnels, d’autres qui s’inspirent de ce qu’on
peut voir de la vie de nos amis ou de ce qui arrive dans le monde.
Mathieu : Et
en ne dévoilant pas le sens précis de nos morceaux, cela laisse libre cours à
l’interprétation. C’est la base de la musique et c’est ce pourquoi la musique
me fait vibrer, il faut faire ses propres projections même si on ne peut pas
toujours être abstrait. Cet album a forcément été conditionné par ce
que l’on a vécu au moment où l’on composait mais cela fait tellement de temps
que l’on travaille sur cet album, 3 ans environ, que l’on ne peut pas dire
qu’il est le reflet d’une période précise de notre vie.
Et le
titre de l’album, « Ceux qui traversent les frontières » renvoie à ce
que nous faisons en tant que musicien, nous mélanger et ne pas nous limiter à
de simples étiquettes. En tant que personne, nous voyageons beaucoup
et on ramène ça dans notre musique, il y a des influences étrangères.
« Laisser libre cours à
l’interprétation »… Est-ce que c’est cela que vous avez voulu faire avec
le clip « Past Scenes » ?
Amélie :
Les gens peuvent interpréter la fin à leur manière, il n’y a pas d’explication
logique.
Mathieu :
Concrètement, il y a un trucage à la fin du clip ! On aime bien les sens
multiples : est-ce que la jeune fille est vieille dans sa tête ?
Est-ce qu’elle est vieille physiquement mais jeune dans sa tête ? On aime
cette dualité…
D’ailleurs vous avez reçu le prix du meilleur
clip international 2012 au festival Apalooza, à Hollywood. Comment cela
s’est-il passé ?
Amélie : On
a participé à un concours international, « 48 Hours music
video project ». Le principe est de faire un clip en 48 heures.
L’équipe de réalisation WOOW YOUR LIFE nous a tirés au sort et on a commencé à
travailler ensemble alors qu’on ne se connaissait pas.
Mathieu : C’était
super on n’a pas dormi pendant 48 heures… On a été tiré au sort un vendredi
soir, on a passé la nuit à écrire l’histoire avec l’équipe composée d’une
dizaine de personnes. Le lendemain on a tourné toute la journée et toute la
soirée. L’équipe a commencé à monter le clip dans la nuit du samedi au
dimanche, le dimanche on a fini de tourner le matin, puis on a fini de monter
le clip le dimanche après-midi.
En
rencontrant cette équipe, il y a tout de suite eu une alchimie, c’est aussi pour
ça que le clip est aussi bien. Ils ont tout de suite cerné le double sens de la
chanson, l’esthétisme que l’on aime et qui correspondait à leur univers.
Amélie : On
a participé à la finale française que nous avons remportée en mai 2012. Ce qui
nous a permis de participer à la finale internationale à Hollywood, en mars
2013.
Mathieu : On
était en compétition avec beaucoup d’autres pays mais on a remporté cette
finale.
Quelle a été votre méthode de travail pour
l’album qui vient de sortir ?
Mathieu : On
a écrit et composé toutes les chansons tous les deux. On s’est entouré d’une
dizaine de musiciens pour jouer de tous les instruments dont on ne sait pas
jouer ! Je joue de la guitare, du clavier, je fais la programmation, les sons électronniques. On a travaillé avec des musiciens de studio comme Julien Tekeyan, le batteur de Khaled qui joue aussi avec Féfé, Jeff Tekeyan, qui a été le bassiste d'Asa, Nicolas Matthuriau, l'acolyte de Vincent Delerm, Stéphane Montigny, le tromboniste d'Olivia Ruiz et de M.
J’écris
les arrangements et ensuite avec les musiciens on les adapte. Il n’y a rien de
figé mais en même temps on ne laisse pas de place à de
l’improvisation. Par exemple, pour le batteur je lui écrivais la grosse caisse
et la caisse claire et pour le reste il se débrouillait. J’essaye d’apporter
des bases aux musiciens mais comme ce sont de grands musiciens, j’avais aussi
envie de leur laisser une certaine liberté. D’ailleurs, la plupart des
musiciens nous ont accompagné sur scène, au Divan du monde.
Comment avez-vous rencontré la chanteuse
allemande Tokunbo du groupe Tok, Tok, Tok et fait un duo avec elle ?
Mathieu : J’adorais
ce groupe et on avait un ami en commun avec la chanteuse. On lui a fait passé
notre album, elle nous a envoyé un e-mail nous disant qu’elle allait suivre
notre activité. On lui a proposé de venir chanter sur un de nos morceaux et
elle a tout de suit accepté. Les gens autour de nous nous disent que ce titre,
In Between, est un des meilleurs titres de l’album.
Que réservent vos prochains concerts ?
Mathieu : On
est en train de changer nos prestations scéniques. On était trop sur scène, en
effet, à 5 la programmation est difficile. Nous allons donc désormais être 4
avec plus de musiciens multi-instrumentistes. On réduit les effectifs à cause
de la crise. Deux dates parisiennes seront programmées en janvier 2015.
Vous vivez votre présence sur Facebook comme un
plaisir ou une obligation ?
Amélie : C’est
une obligation qui a une certaine utilité malgré tout !
Mathieu : Pour
un groupe émergent aujourd’hui, c’est obligatoire d’être sur Facebook à moins
de faire un style de musique très particulier. Actuellement nous ne sommes pas
de grands fans de Twitter mais dans deux semaines j’aurai peut-être changé
d’avis.
J’aime
bien l’interface de Soundcloud. Il y a beaucoup de groupes que j’aime,
notamment de la scène électronique, très actifs sur ce site. Il y a beaucoup de
remixes, j’adore le concept de pouvoir commenter un morceau à un instant
précis. C’est pour les gens qui aiment le son, le graphisme.
Facades en ligne