Autoportrait mardi 19 juin au bar Bonne Nouvelle (Paris 10e) |
La chanteuse Marion Corrales s'est construit un personnage qui avance masqué. Elle se questionne sur son parcours, sur l'évolution de ses prestations scéniques mais elle continue son chemin avec énormément de détermination. La chanteuse masquée parle de son épopée musicale.
A l'âge de 3 ans, Marion Corrales était déjà une femme
active avec son statut de top model pour Kenzo (entre autres !). "Quand on
est une petite rousse avec des tâches de rousseur, on a la côte en tant que
"baby model"" se souvient Marion. A 16 ans, l'histoire est moins
rose, la jeune fille déchante en comprenant le peu d'épanouissement que lui procurerait ce métier. En parallèle, Marion tourne dans un film, fait beaucoup de théâtre et
va au Conservatoire pour perfectionner son jeu.
"The American
way of life"
Après sa licence de philosophie et de théâtre à la
Sorbonne, Marion Corrales se met à la recherche d'une formation mélangeant la
philosophie, le théâtre et la musique. Elle intègre alors la "Tish School
of the Arts", l'Université de New York fréquentée pendant un temps par
Lady Gaga. La jeune française partie aux Etats-Unis pour étudier la carrière de
David Lynch se remémore la méthode d'enseignement de cette école
pluridisciplinaire: "En plein milieu d'un cours de philosophie très
approfondi, un professeur peut tout à coup pousser toutes les tables, faire
venir des artistes" et ainsi bouleverser l'ordre des choses. "Cette
méthode ouvre complètement l'esprit". "Là-bas, tout est accessible,
les Américains s'étonnent quand tu n'as pas rencontré David Lynch, du coup j'ai
assisté à une visioconférence avec lui, on peut aussi prendre l'ascenseur avec
Woopie Goldberg". Repérée par un producteur, Marion Corrales a même joué
dans MacBeth sur les planches de
Broadway. LE rêve américain…
Pour Marion, c'est indéniable cette méthode développe la
créativité, "j'écrivais tout le temps, les frontières entre tous les arts
sont cassées, on peut danser, jouer et chanter en même temps". De l'autre
côté de l'Atlantique, Marion entretient sa passion pour la musique à Bleecker
Street, "regarder ces concerts m'a donné envie de me remettre à écrire des chansons et de chanter".
C'est à ce moment là que j'ai rencontré Rena Mireka, "une
des actrices de Grotowski qui était un véritable gourou pour moi, du coup à la fin de mon Master à New York je l'ai suivie en Italie et j'ai écrit mon mémoire de fin d'études sur son travail parathéâtral". Marion intègre alors une
troupe de recherche où le théâtre se mélange à la musique.
De Solidays à la
première partie de King Charles
Deux jours après son retour en France, Pierre, un ami de la
fac de philosophie pense à elle pour former un trio de reprises de jazz avec
Alexandre Bellando. Rapidement Marion souhaite
écrire ses propres chansons dans un autre genre musical. Elle forme alors un duo avec Alexandre. "Le guitariste qui évolue dans
d’autres groupes possède son propre univers aux influences jazz latin qu’il ne
laisse pas parasiter par l’extérieur mais au final nous avons les mêmes envies
musicales."
En 2009, le groupe monte sur la scène du festival Solidays
et n’ayant aucun EP ou autre support physique à laisser au public, Marion a
l’idée de réaliser un clip de sa chanson Gun and Mustache pour laisser une trace dans l’esprit des auditeurs.
Inconsciemment, la jeune chanteuse commence à comprendre le fonctionnement et
les ficelles du métier.
Sans doute grâce à la visibilité que leur a donné le
festival, le duo trouve par la suite un tourneur français qui souhaite roder le groupe en le mettant en avant
dans des premières parties.
Dernièrement, Marion a fait les premières parties de King
Charles à la Maroquinerie, Ludovico Einaudi (pianiste des films Black Swan et d'Intouchables) au Casino de
Paris où elle étale son panel de chansons en Anglais, en Français, pop, rock, blues : "En fonction des spectacles on change le "set," on s’adapte
au style de la première partie, c’est du spectacle vivant qui n’est pas encore
fixe. Le challenge c’est que tout est encore possible. Quand des chansons sont
gravées sur un disque, il est plus difficile de sortir de cet univers."
"Sur scène, il
faut maitriser la prise de risque car c’est un siège éjectable"
Sur scène, Marion et Alexandre présentent un show où les
musiques sont éclectiques mais soudées par l’univers guitare, voix. La chanson Françoise transporte le public dans
l’univers de Brigitte Bardot, One est
plus glaciale et Gun and Mustache apporte sa touche de blues. Cependant, cet éclectisme est difficile à réunir sur un
album et Marion a bien conscience de cet obstacle. "Pour l’album, je
vais être obligée de faire un choix musical, moi même quand j’écoute un disque
j’aime retrouver un même univers. Le dernier album de la chanteuse Camille serait un bon compromis, elle mélange
la langue anglaise et française mais la ligne directrice s’effectue au niveau du son,
elle utilise plus ou moins les mêmes instruments." D’ailleurs, Marion est
admirative de Camille qu’elle a vu sur scène et ne tarit pas d’éloges sur son blog. "Elle est très différente de ma façon de fonctionner car, sur scène, elle
garde beaucoup de distance avec son public en s’adressant très peu à lui et
pourtant je suis quand même rentrée dans son monde en prenant beaucoup de
plaisir. Cependant ce n’est pas ma façon d’appréhender la scène. Par
exemple, au Casino de Paris, le ton était très solennel, le show était préparé
minutieusement tandis qu’à la Maroquinerie le spectacle était plus spontané on
a embarqué le public dans notre bateau, les sensations sont très différentes."
"La recherche du juste milieu est très intéressante car il est impossible de faire deux fois le même concert, quand un élément a fonctionné, on se dit qu’il faudra absolument le refaire mais ça ne fonctionnera jamais une deuxième fois. Par contre à chaque fois, il faut recréer une alchimie », un acte souvent complexe et parfois inné chez les artistes !
Par ailleurs, il est difficile de plaire à tout le monde,
« King Charles m’a dit qu’il adore quand je parle des heures entre les
chansons, un fait qui agace d’autres personnes ». « J’ai regardé le
concert de Brassens à Bobino, il ne décroche pas un mot et pourtant il y a
beaucoup de proximité avec le public ». « Mais en général, je n’aime
pas régler mon show à la virgule près, mais le groupe possède-t-il à ce jour assez d'expérience pour pouvoir éviter ce réglage comme du papier à musique ? Finalement, les meilleurs improvisateurs préparent
tout musicalement parlant à l’exemple de King Charles ou d’Adèle. »
Même si Marion pense toujours être en phase de construction
de sa personnalité scénique, celle-ci est bien avancée. En effet, sur scène elle
apparaît masquée d’un bandeau de paillettes. La voyageuse a rapporté ce
« costume » d’un voyage en Equateur où elle est partie aider un
médecin chamane à effectuer des accouchements dans un hôpital. Ce médecin
l’emmène assister à une cérémonie religieuse animiste où des Indiens masqués se
connectent avec les esprits. « Pour moi, l’espace scénique est un espace
sacré où tu peux te connecter avec les gens via un triangle (ndl :
triangle que l’on retrouve sur le site Internet de Marion), au final cela
montre que ce n’est pas vraiment "toi" qui compte dans
l’art", "l'artiste est le médiateur entre le public et l’œuvre qui le traverse".
Au final, la chanteuse de par son expérience, ne ressent
plus le besoin de porter ce masque à chaque prestation. "Il constitue une protection face au public à qui je délivre mes histoires".
La communauté Marion
Corrales
Mais actuellement, l’objectif est de créer une communauté
de fans autour de Marion Corrales tout en gardant l’image énigmatique
qu’implique le statut de l’artiste : "Parfois c’est
décourageant d’avoir seulement 15 personnes qui s’abonnent à ta page Facebook
le lendemain d’un concert. Cependant, je préfère avoir un petit groupe de fans
mais des gens qui rentrent complètement dans mon univers à l’exemple de ceux
qui m’envoient des poèmes ou me proposent de l’argent pour financer un
potentiel album."
"Quand j’ai commencé sérieusement ma carrière
musicale en 2009, je me suis donnée 2 ans pour ça fonctionne, mais plus tu
rentres dans cet univers, plus il est difficile de s’arrêter. Il m’arrive de me
lever le matin en me demandant si je pourrais toujours faire de la musique. Ma nouvelle technique,
c’est de me dire que c'est le moment présent qui compte, et justement en ce moment je suis en train de réaliser mon rêve en chantant pour les gens »; et on lui souhaite que ce rêve dure longtemps.
Marion Corrales - Sleepless lover