Maxence Cyrin
comptabilise trois albums à son actif, des collaborations avec des grands
couturiers qui ont de quoi rendre jaloux de nombreux professionnels et pourtant
son nom demeure peu connu du grand public. De nos jours être compositeur,
pianiste et orchestrateur sans être chanteur, signifie-t-il ne pas être
"bankable"? Maxence Cyrin veut prouver le contraire.
Autoportrait le mercredi 23 mai chez Ginette, Montmartre |
L'artiste n'explique pas vraiment sa vocation pour la
musique. Il se remémore pourtant une maman qui écoutait beaucoup de musique
classique, l'accès à sa collection de vinyles, ainsi que sa "première émotion musicale: Une nuit sous le mont chauve de Modeste Moussorgski". Puis, le
jeune garçon s'attèle à son éducation artistique: à l'âge de 7 ans il commence
le solfège et à 9 ans le piano. A 10 ans à peine, il réalise sa première
composition, "le morceau s'appelait "Danse des Indes", je m’en
rappelle encore, j'avais voulu reproduire le son des Indiens d'Amérique".
Le garçon possède donc déjà quelques prédispositions pour la musique.
A son entrée au Conservatoire de Besançon, Maxence Cyrin se
plait à dire qu'il avait déjà un passé de "showman", "au
collège, j'interprétais des morceaux comme I
was made for lovin' you de Kiss devant mes camarades". "Mais là
où je me suis le plus épanoui demeure au lycée, en classe A3 (lettre et
musique) l'éducation musicale était moins rigide qu'au Conservatoire".
"Je voulais être prix au sérieux "
Après de telles études, il ne paraît pas anormal que Maxence commence sa vie professionnelle en travaillant dans une "radio anarchiste locale". Dans le studio, il s'opposait au quota de chansons françaises en diffusant des groupes anglais de cold wave. A cette période, il découvre alors la musique industrielle et se met à la musique électronique. Puis une certaine routine s'installe: tous les 6 mois, il part à Paris pour s'approvisionner en musiques. "Je repérais alors les labels qui m'intéressaient et je leur envoyais des K7. Peek a Boo Records à Lille a été le premier label à me répondre." Les premiers maxi de l'artiste s'orientent vers un style techno trance.
A 25 ans, Maxence pose ses valises à Paris «pour faire de la musique ». Il apprend par cœur tous les opéras de Wagner et devient « crooner pop » dans des soirées où il effectue de nombreuses reprises comme Born to be Alive "façon Elvis à Las Vegas". En parallèle, Maxence continue son expérience à la radio puisqu’il réalise pour radio Nova des portraits chantés des invités de la station. Puis lassé de ne pas être pris au sérieux, le jeune homme se concentre sur son objectif, la musique.
De Chanel à Lanvin…
En 2005, Maxence Cyrin sort Modern Rhapsodies puis Novö
Piano en 2009, des albums de reprises où les arrangements de morceaux comme
Where is my mind des Pixies ou Crazy in love de Beyoncé, leur donnent un deuxième
souffle de vie. Le pianiste, lui, explique interpréter des morceaux « façon
Erik Satie ». Des styles de musique très différents se rencontrent alors
et génèrent une certaine méfiance du milieu professionnel, ce qui agace quelque
peu Maxence. « Dans l’art contemporain et dans la mode, c’est très admis
de détourner et de réinventer des styles avec d’autres styles existants à
l’exemple d’Andy Warhol. Personne ne dit à Warhol qu’il n’a rien inventé. J’effectue un travail artisanal car je reprends et décortique
toutes les mélodies ». Un travail qui au final s’apparente à celui des
stylistes.
Maxence commence d’ailleurs à bien connaître le monde de la
mode puisqu’il travaille également au service de grands couturiers.
Dernièrement, il a joué pour le défilé Chanel à Versailles où il a adapté en 15
jours des morceaux électro pop comme ceux de Metronomy ou Empire of the Sun au
clavecin et trio à cordes. Le musicien a également collaboré aux 10 ans
d’Albert Elbaz chez Lanvin à Paris, puis à Pékin; l’objectif : « mélanger une
musique au piano avec de la techno minimale très froide et industrielle à
partir d’une bande son faite par Ariel Wizman ». L’orchestrateur se remémore cette collaboration en imitant
le grand couturier lui dicter des consignes « Tu vois Max, j’ai envie que
ça soit la rencontre de la beauté et de l’horreur ». Au musicien ensuite
de se débrouiller avec la consigne…
Dans le milieu de la mode, l’artiste évolue alors dans un monde plus
ouvert à l’avant-gardisme. « Ces adaptations sont mieux perçues que dans le secteur de la musique qui a du mal à me classer dans des cases et ce, malgré
2 millions de vues sur Youtube » constate Maxence. Difficile donc de
parier sur un artiste que l’on ne peut ni classer dans les cases rock, jazz,
pop, classique ou techno. Le désir de monter sur scène reste alors inassouvi
pour le pianiste.
The Fantasist, « un moi onirique »
Malgré le manque de confiance des promoteurs pour produire
une musique inclassable, Maxence ne se lasse pas de faire des albums. Avec The Fantasist (mars 2012), l’homme dévoile
pour la première fois ses propres compositions. « Je commençais à être
frustré de ne faire que des reprises et j’avais assez rendu hommage à des artistes ».
Il décrit cet album comme « la bande originale d’un film
imaginaire ». « J’étais mélancolique quand j’ai créé cet album
mais la tristesse est faite pour être transcendée en quelque chose de
beau » qui a pris la forme de cet album de 12 pistes. Maxence reste rêveur quand il décrit The Fantasist, ce personnage « pourrait
exister s’il avait beaucoup d’argent car il aurait la possibilité d’être en
dehors de la réalité ».
L’artiste enchaîne donc les projets, il pense d’ailleurs depuis 5 ans à son prochain album plus électronique : de la «space pop, de la musique planante mais qui restera pop dans l’écriture » et qui comprendra « beaucoup de synthés analogiques » ; programmé pour 2013. Il endosse même la casquette de directeur artistique pour le chanteur Nicolas Comment et a travaillé au piano mécanique l’adaptation, pour la galerie Perrotin, de l’album My God is Blue de Sébastien Tellier. L’artiste qui a créé sa page Facebook pour prouver au monde qu’il existe semble sur la bonne voie pour être reconnu à grande échelle dans la profession.
Maxence Cyrin - Eye of the storm
Maxence Cyrin online